jeudi 18 avril 2019

Dossier

Inio Asano
La parution d’«Errance» et la ré-édition de « Solanin» en intégrale par Kana, sont une bonne occasion de remettre en avant Inio Asano.
Bien que n’ayant pas encore 40 ans, Asano travaille dans l’industrie du manga depuis plus de 20 ans déjà. Témoin de son époque, son œuvre se caractérise par un ultra-réalisme et ce, même quand il fait de la science-fiction. Au fil de sa production, décalée tant par le fond que par la forme, le mangaka a su imposer ses personnages tellement « ordinaires » qu’on n’a pas toujours envie de les aimer. Ses décors très détaillés, construits sur base de photos, renforcent chez le lecteur ce sentiment de réalisme (voir docu ci-dessous) qui pousse à accepter la « normalité » des protagonistes. Comme dans la « vraie vie », on se retrouve partagé entre mélancolie et euphorie, entre dégoût des autres et empathie, entre l’envie d’abandonner et le désir d’y croire encore. On passe du rire aux larmes et l’oxymore (association de contraires) raconte tout ce qui est tu : la partie clair-obscur de nos vies, les sentiments aigres-doux qui nous traversent, tout ce qui ne peux être exprimé autrement.
« Un monde formidable » est la première œuvre d’Asano traduite en français dès 2006. Ce recueil d’histoires courtes pose les bases de ce qui fera le succès de l’artiste dans nos contrées. On y retrouve une galerie de personnages confrontés aux « épreuves de passage » qui jalonnent nos vies. Le récit tire son titre de la lueur d’espoir qui éclaire les destinées contées dans ce manga.
Les 2 tomes de « Solanin » réunis en un volume avec en bonus 2 chapitres supplémentaires dont 1 épilogue 10 ans plus tard et un chapitre spécial, Kana, 19,90€
Et puis, l’année d’après, Kana publie « Solanin ». Asano a alors le même âge que son (anti) héros, 24 ans. Il s’inspire d’une ancienne petite-amie pour créer le personnage féminin principal. Impossible pour le lecteur de ne pas s’identifier en tout ou en partie à ce jeune couple. Meiko et Taneda sont ensemble depuis 6 ans, depuis la fin de leurs secondaires. Ils vivent dans le même appartement depuis 1 an. Meiko est secrétaire et n’aime pas son job. Taneda est illustrateur à la pige et guitariste amateur dans un groupe de rock avec ses copains d’unif qu’ils ont tous quittée depuis 2 ans déjà. « Solanin » raconte ce moment de la vie où la nécessité de devenir adulte nous pousse, ou pas, à renoncer à une partie de nos rêves de jeunesse. Cette période où le plaisir des premiers salaires se dispute aux contraintes du milieu du travail et où l’insouciance de la vie étudiante laisse place à de nouvelles inquiétudes. La force de ce diptyque, qui est sans doute la raison de son succès international, est de s’appuyer sur des personnages banals, tellement banals qu’ils en sont universels.
En 2007, paraît « Le Quartier de la lumière ». « Plus qu’une toile de fond, le quartier de la lumière est un véritable creuset de destinées atypiques et agit comme terrain de jeu des personnages et de leur rencontre. Comme dans la plupart des œuvres d’Asano, on retrouve des adolescents désenchantés et délaissés par des adultes eux-mêmes en décalage avec la société. Obsédés par la mort et la fin du monde, ces anti-héros conservent, malgré tout, une sorte de foi naïve et d’espoir en une « seconde chance » pour eux et pour l’humanité... À commencer par la société japonaise contemporaine dont Asano révèle le malaise et les dérives (la course effrénée à la réussite sociale, le suicide, les inégalités…). Tout comme Mochizuki (« Chiisakobé », « Tokyo Kaido ») ou Matsumoto (« Sunny »), Asano installe, avec une grande élégance graphique, un univers lumineux et mélancolique, à la fois cruel et poétique. » (Chronique du 31 juillet 2017 par Philippe).
Finalement, en 2012, débute en français une série au long cours (13 tomes). Malgré les apparences, « Bonne nuit Punpun » est bel et bien un seinen (manga destiné aux adultes). Ne vous laissez pas duper par le « mignon petit oiseau ». C’est sans doute aussi, le travail d’Asano le moins accessible au grand public et son œuvre la plus sombre. Dès le début, le ton est donné. Punpun est un petit garçon mal dans sa peau. Les choses ne vont pas en s’arrangeant quand son père est envoyé en prison pour violence conjugale. Asano banalise ici la misère sociale jusqu’à la rendre (volontairement) insupportable. Punpun est représenté sous les traits d’un « poussin ». Il est à la fois tout le monde et personne. Pourtant, il est difficile de s’identifier à ce personnage mutique et dénué d’expressions faciales dans un univers plus réaliste que la réalité. On est dans un « reality-show » sans le show. Il est demandé au lecteur de produire un effort pour pénétrer et rester dans cette tranche de vie qui court de l’enfance à la majorité de ce personnage (a)typique. On adore ou on déteste.
Actuellement en cours de publication au Japon et chez nous, « Dead Dead Demon’s Dededededestruction » renoue avec un graphisme plus léger et clair. Sous une apparence de manga SF, Asano, une fois encore, nous décrit l’ordinaire, le quotidien. « Pour les habitants de Tokyo, le souvenir de la violente attaque extraterrestre dite du « 31 août » se matérialise par la présence menaçante, au-dessus de leurs têtes, d’un vaisseau amiral. Néanmoins, les confrontations avec les aliens sont devenues très rares. C’est dans ce contexte étrange et incertain que la population a repris le cours de sa vie, à l’image d’Oran et Kadode, deux lycéennes  inséparables qui vaquent aux occupations de leur âge, entre épisodes amoureux, examens scolaires et réseaux sociaux. Mais derrière l’histoire légère de ces adolescentes se dévoile un récit plus sombre autour de la crainte de l’avènement d’un Japon ultra-armé, belliqueux et sous la domination du complexe militaro-industriel, comme dans les années 1940. » (Chronique du 6 mars 2017 par Philippe).
Enfin, avec « Errance » (voir la chronique plus bas), Asano revient à un récit plus « autobiographique ». Cette parenthèse intimiste, entre deux tomes de « DDDD » nous laisse entrevoir en filigrane les interrogations d’Inio Asano à la lisière de ses 40 ans. Malgré ses 20 ans de carrière, Asano n’en est qu’au début de celle-ci, si on en croit les chiffres qui donnent au Japonais la plus longue espérance de vie. Nous avons hâte de découvrir toutes les petites pépites qu’il aura encore à nous offrir, même si certaines peuvent être qualifiées d’ « OVNI ».
(Pour regarder, cliquez sur la vidéo ou sur ce lien.)
Asano, le mangaka qui rend la réalité plus réelle. L’artiste crée à partir de photos photoshopées qu’il va retravailler à la main, jusqu’à obtenir l’effet réaliste recherché. Petite explication de sa technique dans un documentaire de la NHK de 2015 aux côtés de Naoki Urasawa (« Monster», « Pluto », « 20th Century Boys ») 

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Chronique: Errance

Le plus beau métier du monde...
Après 8 années de travail continu, le mangaka Fukazawa vient de terminer sa série à succès. A l’heure d’entamer un nouveau projet, il se retrouve face à la page blanche de sa propre vie, jusqu’ici entièrement et exclusivement dévouée aux mangas. Ses questionnements cyniques sur le sens du succès et son rapport à la création l’isolent petit à petit de son entourage. Après les errances des adolescents et des jeunes adultes, Inio Asano aborde frontalement la crise de la quarantaine et en filigrane celle d’un modèle économique tyrannique dans lequel il ne se reconnaît plus. Sous forme d’auto-fiction, «Errance» témoigne du métier de mangaka dans une société entièrement assujettie à la réussite et aux réseaux sociaux. Bouleversant! (Pascal)
Errance d’Inio Asano, Kana, 14,30€ (15,00€)
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Chronique: Cassandra Darke

Presque comme Blanche-Neige...
Cassandra Darke s’occupe de la galerie d’art huppée de son ex-mari. De nature peu scrupuleuse, elle n’hésite pas à faire quelques entorses à la légalité afin d’assurer son train de vie confortable, tant que cela n’implique «ni violence, ni arme, ni cadavre». La découverte d’un pistolet dans sa propre maison va-t-elle venir chambouler ce précepte? Cassandra Darke fait partie de ces personnages foncièrement détestables qu’on ne peut s’empêcher d’apprécier. Au travers du prisme de sa misanthropie, Posy Simmonds passe au crible la société londonienne, de l’opulence indécente des classes aisées à la misère crasse des laissés-pour-compte. Sous ses airs de faux polar déjanté, «Cassandra Darke» est une véritable pépite d’humour et de finesse! (Pascal)
Cassandra Darke de Posy Simmonds, Denoël, 20,00€ (21,00€)
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Quelques parutions récentes

Titeuf tome 16 de Zep, Glénat, 10,00€ (10,50€)
La Jeunesse de Thorgal tome 7 de Surzhenko et Yann, Le Lombard, 11,90€ (12,45€)
Choc tome 3 de Colman et Maltaite, Dupuis, 15,70€ (16,50€)
Le Patient de Timothé Le Boucher, Glénat, 23,80€ (25,00€)
acte de Dieu de Giacoma Nanni, Ici Même, 18,60€ (19,50€)
Zone Z de Renaud Thomas, Cornélius, 20,50€ (21,50€)
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