vendredi 8 août 2025

Voyages:

On dit que les voyages forment la jeunesse. Un célèbre éditeur belge affirme (à raison) que la BD forme les jeunes de 7 à 77 ans. Alors, en cette période de vacances scolaires et éditoriales, nous vous proposons une petite sélection de voyages en BD à lire sous un parasol, au bord d’un lac ou au fond du canapé !

Voyages: En mer

Des horizons sans fin, des flots capricieux, des solitudes intenses ou des aventures palpitantes. En mer, le voyage ne manque pas de sel.

La Longue Route par Stéphane Melchior, Younn Locard et Bernard Moitessier, Gallimard BD

Prêt pour la longue route? Embarquez sur Joshua, et accompagnez Bernard Moitessier pour un tour du monde à voiles.

On est en 1968, Moitessier accepte un peu à contrecœur de participer au premier Golden Globe Challenge, un défi lancé par le Sunday Times, première course autour du monde en solitaire sans étape ni assistance en passant par les trois caps (Bonne-Espérance, Leeuwin et Horn).

Adapté du livre éponyme de Moitessier, La Longue Route raconte au quotidien et avec ce jargon maritime si particulier, ses tâches, ses stratégies, ses techniques de voile mais aussi et surtout ses rencontres et ses aspirations à mille lieues de la compétition.

Une quête de liberté et d’aventure sublimée par les dessins de Younn Locard (« Révolution », « Eloi »).

« On n’empêche pas une mouette de voler ».

Long John Silver par Xavier Dorison et Mathieu Lauffray, Dargaud

Au coeur des terres inconnues de l'Amazonas, Lord Byron Hastings a découvert la cité de Guyanacapac et ses immenses richesses. Il charge son épouse et son frère, restés en Angleterre, de monter une seconde expédition pour le rejoindre. Mais le fabuleux trésor inca a le don de faire perdre la raison aux plus raisonnables et d'aiguiser l'appétit du pirate Long John Silver et de ses Frères de la Côte...

Avec Long John Silver, Xavier Dorison et Mathieu Lauffray ne se sont pas contentés de respecter les codes du récit de piraterie mais lui ont également donné une seconde jeunesse! Par la densité psychologique des personnages, les superbes ambiances, le crescendo du scénario ou un travail graphique spectaculaire, les auteurs parviennent à littéralement arrimer le lecteur à leur histoire et l'emmener au bout de cette quête folle d'un Eldorado mythique, "dans un monde lointain que Dieu lui-même semble avoir abandonné"...

 

Et aussi : Moby Dick par Olivier Jouvray et Pierre Alary, Soleil


Voyages: Au centre du moi (et des autres)

Pas besoin de partir loin pour se perdre un peu ou observer le monde. Une plongée dans la vie des autres à la fois drôle et étrangement familière.

Carnet du Pérou par Fabcaro, Six pieds sous terre

Carnet du Pérou est un récit de voyages pas comme les autres: descriptions imprécises, exagérations et clichés en pagaille se succèdent sur le Pérou, un pays où l'auteur n'a jamais mis les pieds! Alors que Fabcaro tourne en dérision les carnets de voyages, il remet également en question son travail autobiographique et ses choix de vie au travers d’interludes drôles et touchants. Si la supercherie de ce carnet du Pérou est rapidement dévoilée, il n’en reste pas moins un titre irrésistible, malin et à l’humour omniprésent!!

Les Gugusse en vacances par Emilie Gleason, Atrabile

Après le formidable « Ted, drôle de coco », voici les aventures de la famille Gugusse ! Ted est toujours bien présent mais n’est plus le personnage principal. On suit ainsi toute sa famille dans une virée insolite au Yocalme, un pays imaginaire d’Amérique centrale, où ils se rendent pour le mariage d’une cousine. Mais dans la famille Gugusse, rien ne se passe jamais comme prévu et une nouvelle complication les attend à chaque tournant. Si le père surfe sur les problèmes avec un déni et un enthousiasme olympique, la mère se résigne avec pragmatisme tandis que la fille tente d’inculquer à son petit frère l’art de ne pas créer plus de soucis qu’ils n’en ont déjà avec leur grand frère autiste. Chaque page déborde de vie et d’inventivité pour exprimer le grand melting-pot de sentiments complexes et contraires qu’on peut ressentir envers sa famille. Sous couvert de comédie familiale déjantée, Émilie Gleason s’inspire de sa propre expérience pour raconter et conjurer avec humour cette confusion. Un livre hors normes, à l’image des Gugusse, dont on attend avec impatience la suite des péripéties !

 

Et aussi : Du pain blanc et du chocolat par Pascal Matthey, L’employé du moi


Voyages: Sur la route

Des kilomètres à avaler, des rencontres improbables, des chemins de traverse… La route comme fil conducteur…

L’or du spectre par Matz et Philippe Xavier, Lombard

Nouveau-Mexique, 1970. Chuck sort de taule, retrouve Kat, sa partenaire, qui l’a gentiment attendu. Ensemble, ils vont récupérer le magot que Chuck a planqué dans une bourgade abandonnée au milieu de nulle part, et à eux la grande vie ! Mais rien ne se passe comme prévu. Beaucoup trop de gens s’intéressent à cet argent, sans parler du spectre d’un vieux cow-boy à la gâchette facile qui hante la ville fantôme...

 

Hey Djo ! par Geoffrey Delinte et Marzena Sowa, Gallimard BD

Djo a 13 ans, son père est routier et sa mère insiste pour qu’il l’accompagne dans son camion pendant quelques jours pour les vacances. Ni le père ni le fils ne sont spécialement emballés par la proposition mais vont, bon gré mal gré, essayer d’en profiter pour se connaître un peu mieux. Du port d’Anvers aux entrepôts, en passant bien entendu par les aires d’autoroutes et leurs cafétérias, Djo va découvrir un monde à la fois fascinant, mystérieux et brutal. Le récit raconte la solidarité entre camionneurs, leurs codes et les particularités d’une vie en mouvement mais aussi ses aspects moins heureux comme les vols, les réseaux clandestins ou la prostitution. C’est parfois beaucoup pour le jeune adolescent, et si ce road trip va lui apprendre à mieux connaître son père, il va surtout le faire grandir de quelques kilomètres ! Un gros coup de coeur!

 

Et aussi : Trashed par Derf Backderf, Editions çà et là


Voyages: Au cœur des glaces éternelles

 Quand le froid envahit paysages et relations, on peut sentir que sous la neige, autre chose se cache…

Vague de froid par Jean Cremers, Lombard

Deux frères belges que tout oppose se lancent dans un road-trip à travers la Norvège dans le but de gravir le mont Preikestolen. C’est l’aîné, Martin, fervent croyant de la mythologie nordique, qui a organisé ce périple, espérant une communion avec les divinités vikings qui le fascinent tant. Jules, étudiant en art, s’est greffé au voyage dans l’idée de compléter son carnet de croquis, mais aussi de renouer contact avec ce frère aîné qui a totalement tourné le dos à sa femme et à sa famille. Sur la route, les murs tombent et les langues se délient : pourquoi Martin s’est-il ainsi renfermé sur lui-même et d’où vient cette culpabilité qu’il semble porter seul sur ses épaules ? Au gré des paysages et des rencontres, les deux frères éloignés par la vie se retrouvent peu à peu... Résilience, deuil, dépression, secrets de famille et nouveaux départs, ce sont tout autant de sujets compliqués et variés qui sont abordés avec justesse, bienveillance, mais aussi humour. Au-delà d’un road-trip dans les contrées du Grand Nord, Jean Cremers livre un récit à la fois drôle et touchant qui met clairement du baume au coeur. Embarquez à votre tour !

 

La Terre verte par Alain Ayroles et Hervé Tanquerelle, Delcourt

Macbeth en croisade.

Il n'a qu'une mission: trouver la terre verte, un lieu prospère et luxuriant où lait et miel couleraient à flots. Mais cette terre existe-t-elle vraiment? Car, sur sa route, notre héros ne semble rencontrer que glace, famine et désolation à perte de vue.

Mais entre manipulation, fanatisme, profanation ou encore despotisme, ne peut-on pas provoquer sa chance ? Tous les coups sont-ils permis pour transformer une terre aride en un endroit paradisiaque ? Un immense roman graphique et un énorme coup de cœur !

 

Et aussi : La Saga de Grimr par Jérémie Moreau, Delcourt


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Créées en 2005 par Serge Ewenczyk les Éditions çà et là sont spécialisées dans la publication d'auteurs et d'autrices de pays étrangers.

Depuis sa création les éditions ont publié 220 titres de 110 auteurs et autrices de 35 pays différents. Pas moins que ça !

Aujourd’hui, malheureusement, comme beaucoup d’acteurs dans le secteur du livre, la maison indépendante connaît la crise. Les ventes en librairie (de manière générale d’ailleurs) ont baissé et baissent encore…

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samedi 19 juillet 2025

The summer of comics:

Cet été, on vous emmène faire un tour du côté de l’Amérique (celle qu’on aime ^^): des ruelles sombres de Gotham aux routes poussiéreuses du Midwest, les auteurs US nous embarquent pour un road trip graphique entre super-héros en short, anti-héros fatigués et ados paumés sous un ciel trop grand… Il y en a pour tous les goûts et tous les maillots moulants (de bain ou autres).

The summer of comics: Super-héros en déroute

 Quand le masque glisse, que les icônes doutent ou s’effondrent, la BD de super-héros devient autre chose… Des comics puissants, loin des clichés capés.

Harleen de Sejic Stjepan, Urban

Harleen Quinzel vient de décrocher un poste de psychologue au sein de l’Asile d’Arkham afin de soigner et soutenir les plus grands criminels de la ville. Solitaire et peu sûre d’elle, elle est la proie idéale pour le Joker, véritable manipulateur et pervers narcissique. Au gré des séances, le criminel s’insinue délicatement dans l’esprit de la jeune femme qui perd peu à peu tous ses repères jusqu’à ne plus voir que lui. Dans cette réécriture moderne et plus mature de la naissance d’Harley Quinn, déjà évoquée dans le comics « Mad Love » en 1994, Stjepan Sejic décortique la relation malsaine entre ces deux méchants mythiques. Mieux encore, il cherche à comprendre comment une femme si intelligente a pu succomber aussi facilement aux belles paroles du Joker quitte à s’oublier complètement. Sombre, parfois sensuelle, mais surtout délicieusement tordue, cette nouvelle interprétation de leur rencontre terrifie et fascine par son réalisme. Un must-read !

Batman White Knight de Sean Murphy, Urban

Dans son éternel duel avec Batman, le Joker vient d’abattre une carte inédite: celle de la rédemption. Guéri de sa psychose grâce à un obscur médicament, il redevient Jack Napier, parvient à retourner l’opinion publique contre Batman et se présente même aux élections à la mairie! Enième plan machiavélique ou réelle prise de conscience du criminel repenti? Le message de Napier trouve en tout cas écho auprès des plus défavorisés de Gotham City, lassés de la connivence non avouée de Batman avec la police et de leurs bavures à répétition. Dernièrement, le Chevalier Noir ne semble en effet plus incarner qu’une idée très étriquée de la Justice, au point de semer le doute auprès de ses plus fidèles compagnons. Avec comme arrière-plan un contexte socio-politique agité, Sean Murphy explore l’éternel combat du Bien et du Mal et démontre avec brio que, dans la relation d’interdépendance complexe entre le justicier et l’ennemi public n°1, l’un n’existe pas sans l’autre. Un thriller psychologique noir et acéré!

Marvels de Kurt Busiek et Alex Ross, Panini

New-York 1939, Phil Seldon s’apprête à embarquer pour l’Europe et donner un nouvel élan à sa carrière de photographe reporter quand de mystérieux personnages aux pouvoirs extraordinaires font leur apparition dans les rues et sur les gratte-ciel de la ville. Torche humaine, homme amphibie, femme invisible, extraterrestres, mutants, l’opinion publique, peu aidée par la presse à sensation, ne sait que penser de ces créatures fantastiques qui semblent vouloir autant semer le chaos que sauver la planète. Aux premières loges des événements et fasciné par le phénomène, Seldon, dont les traits rappellent un certain Stan Lee, se met en tête d’écrire un livre sur ces nouveaux humains qu’il surnomme les ‘Marvels’. Avec ce titre, Kurt Busiek et Alex Ross revisitent tout un pan de l’histoire de l’univers Marvel en embrassant le point de vue des habitants de New-York, spectateurs passifs aussi impuissants qu’ignorants de ce qu’il leur arrive. Une approche narrative audacieuse et innovante qui s’adresse autant aux connoisseurs qu’aux novices du genre. A découvrir!


The summer of comics: Grands formats, grands récits

 Pour les lecteurs qui aiment les lectures denses, marquantes, et qui ont le temps de s’immerger pendant l’été.

Le Dernier Festin de Rubin de Ram V et Filipe Andrade, Urban

Malgré son imposante stature, Rubin a totalement l'air d'un être humain comme les autres. Pourtant, ce propriétaire d'un café touristique de la ville de Somarah dissimule un bien étrange secret : il répond, en réalité, au nom de Bakasura, un démon mangeur de chair humaine qui se terre depuis des siècles parmi les hommes. Désormais las de cette existence, Rubin décide de partir pour un dernier voyage à la découverte des saveurs de l'Inde avant d'en finir. Il charge alors Mo, un jeune réalisateur, de le suivre pendant ce périple afin de consigner ses derniers instants avec sa caméra... Après le très acclamé « Toutes les morts de Laila Starr »,  le duo Ram V et Filipe Andrade nous plongent une nouvelle fois dans la mythologie hindoue grâce à ce magnifique conte moderne et haut-en-couleurs qui a tout pour séduire. Alors, à votre tour, dégustez « Le dernier Festin de Rubin », véritable ode au folklore et à la cuisine indienne : c'est tout bonnement succulent !

Monstres de Barry Windsor-Smith, Delcourt

Lorsqu’il se présente au centre de recrutement de l’armée américaine, Bobby Bailey, simple d’esprit, est sans domicile fixe, n’a plus de famille et n’existe même pas dans les registres de l’administration. Il n’en faut pas plus au sergent McFarland pour l’affecter à Prométhée, un programme secret d’expérimentations génétiques hérité du 3ème Reich. Bientôt rongé de remords, McFarland va tenter, au péril de sa santé mentale et de sa propre famille, d’extirper le jeune Bobby de ce cauchemar. Le récit d’action classique bascule ensuite dans une dimension psychologique intense -et par moment insoutenable- avec le retour en arrière dans la jeunesse de Bobby et le passé militaire de son père durant la 2ème Guerre Mondiale. Initialement envisagé il y a 40 ans par Barry Windsor-Smith pour étoffer la psychologie du personnage de Hulk mais refusé par Marvel, « Monstres » explore en cascades la monstruosité humaine sous toutes ses formes. Un récit monumental et bouleversant.

Descender de Jeff Lemire et Dustin Nguyen, Urban

Le chaos règne au sein du Conglomérat Galactique Unifié depuis la guerre avec les Moissonneurs - ces robots géants de la taille d’une planète apparus sans explication dix ans plus tôt puis disparus aussi soudainement. Entretemps, en représailles et par « sécurité », les humains ont procédé à des « botgroms », des exterminations en masse du genre robot. C’est dans ce contexte que se réveille d’un sommeil de 10 ans Tim-21, un petit androïde de compagnie doté d’empathie, dont le codex présenterait des correspondances avec celui des Moissonneurs. Bientôt, c’est toute la galaxie qui se met aux trousses du petit robot… « Descender », dont certains aspects rappellent autant « Star Wars » que « Pluto » d’Urasawa, est un récit de science-fiction accrocheur qui mêle tradition classique et originalité !


The summer of comics: Fables sauvages et grands espaces

Quand les récits quittent les villes pour suivre le rythme de la nature, on respire autrement. À lire en voyage ou pour mieux partir sans bouger.


Friday d’ Ed Brubaker et Marcos Martin, Glénat

Lorsque Friday Fitzhugh revient à Kings Hill pour les vacances de Noël, elle n'a qu'une idée en tête : discuter sérieusement avec « Lance » Jones, son meilleur ami, de ce qui s'est passé entre eux cette fameuse nuit avant son départ pour la fac. Pourtant, à peine arrivée, la voilà déjà embarquée à ses côtés dans une nouvelle enquête aux frontières du réel... Car Kings Hill est bien loin d'être une ville comme les autres et les phénomènes surnaturels y sont légion ! Véritables « détectives de l'étrange » depuis l'adolescence, les deux comparses sont bien décidés à faire la lumière sur cette nouvelle affaire qui pourrait pourtant se révéler bien plus dangereuse que les précédentes... Scénariste prolifique de polars noirs, Ed Brubaker nous plonge cette fois-ci dans un thriller surnaturel dont l'ambiance ne sera pas sans rappeler celle de la série à succès « Stranger Things ». Entre légendes urbaines, mystères, enquêtes et romance de jeunesse, ce premier tome possède décidément tous les ingrédients nécessaires pour rendre accros, et les adultes et les ados.

Bone de Jeff Smith, Delcourt

Chassés de leur village,  les trois cousins Bone s’enfuient et se perdent dans une forêt n’apparaissant sur aucune carte. Ils se font rapidement embrigader dans une aventure qui les dépasse et dont l’issue déterminera l’avenir du monde ! Chemin faisant, ils rencontrent des êtres et des créatures de toutes sortes, hostiles ou amicales mais souvent très attachantes. La force de « Bone » réside notamment dans cette galerie de personnages qui s’étoffe continuellement et dont les face-à-face portent l’histoire. Jeff Smith nous offre une saga épique, drôle et légère qui bascule progressivement dans un univers sombre, violent et sans pitié. Œuvre colossale et incontournable, Bone est un chef d’œuvre des comics américains !

Watership Down de Richard Adams, James Sturm et Joe Sutphin, Monsieur Toussaint Louverture

Motivés par la vision d’un bouleversement imminent et par la précarité de leur condition sociale, quelques lapins se décident à quitter leur communauté pour en créer une nouvelle ailleurs. Après avoir défié la vigilance des leurs, ils devront affronter les éléments, déjouer les prédateurs et surtout éviter les autres clans autoritaires pour espérer peut-être un jour pouvoir s'établir en paix quelque part. Une épopée pleine de rebondissements où chaque caractère sera amené au dépassement de soi dans sa contribution à l’élan collectif. Le récit raconte tant la puissance libératrice que la violence répressive de toute organisation sociale selon qu’elle se met au service de tous ou de quelques-uns. Traversé par un souffle narratif sombre et magique, « Watership down » ne peut laisser personne indifférent ! (Pascal)

A lire si vous avez aimé Alyte, Le château des animaux.


The summer of comics: Quand la forme suit l’émotion

 Des récits visuellement audacieux qui font vibrer le fond autant que la forme. À lire lentement, dans le calme…

It’s Lonely at the Center of the Earth de Zoë Thorogood, Hi Comics

Prêt.e pour le trip ? Embarquez, c’est Zoé qui régale !

Parfois il est des œuvres qui transcendent leur médium pour toucher à l’universel… Cette BD est de celles-là.

Thorogood déploie des thèmes aussi intimes que la dépression, la recherche de soi, le tout enrobé d’un humour salvateur. Visuellement, le livre est un kaléidoscope : chaque page est une surprise, une nouvelle manière de voir le monde. Les personnages qui peuplent son livre sont représentés avec des têtes d’animaux ou de façon minimaliste et sont le miroir de nos propres codes sociaux. L’alternance des styles, des plus épurés aux plus complexes sert le propos et nous emmène dans le labyrinthe mental et le récit poignant de cette jeune et talentueuse autrice.

Qui sait ? Vous pourriez bien y trouver un petit bout de vous-même.

Stuck Rubber Baby d’Howard Cruse, Casterman

Malgré l’ébullition sociale que traversent les Etats-Unis au début des années 60, Toland Polk ne parvient pas à assumer son homosexualité. Sa rencontre avec Ginger Raines, jeune chanteuse engagée dans les mouvements pour les droits civiques, va lui faire prendre conscience d’une réalité sociale autrement plus violente : dans le sud de l’Amérique, la ségrégation raciale est encore de mise et les noirs sont loin de faire valoir leurs droits. «Stuck Rubber Baby» raconte le parcours initiatique du jeune homme dans ce contexte bouillonnant où Ku Klux Klan et contre-culture ne font pas bon ménage. Oeuvre de fiction mais largement inspiré de la vie d’Howard Cruse, «Stuck Rubber Baby» est un récit poignant et nécessaire qui, en évitant les raccourcis et par sa densité, parvient à rendre compte de la complexité d’une époque. Une œuvre culte à nouveau disponible.

Grafity’s Wall de Ram V et Anand RK chez Urban

Dans les rues de Mumbai, ils sont quatre amis avec des rêves plein la tête: Chasma aspire à devenir écrivain, Saira se voit déjà actrice, Jay, lui, vit pour le rap. Quant à Suresh, dit Grafiti, c’est dans la peinture qu’il s’éclate. Armé de ses bombes, il tague, graffe, laisse cours à son art sur les bâtisses de la ville. C’est d’ailleurs au pied d’un de ses murs que les quatre adolescents se retrouvent, imaginant ensemble un avenir plus radieux, loin de la misère de leur quartier. Mais rêver a un prix dans la tumultueuse Mumbai… Bien loin de son fantasmagorique « Toutes les morts de Laila Starr », Ram V livre un coming-of-age puissant et juste, le tout projeté par les dessins vifs et électrisants d’Anand RK. Une véritable ode à la jeunesse, aux rêves et à la liberté qui prend fort aux tripes ! À découvrir absolument !


The summer of comics: Pas de vacances pour les traumatismes

Violence, injustice, fanatisme, solitude… ces comics arrachent le masque de l’Amérique et exposent ses fissures. Entre satire, témoignage et polar social, ils ne prennent pas de gants, mais prennent le lecteur à bras-le-corps.

Preacher de Garth Ennis et Steve Dillon, Urban

Amer d’avoir un fils surnommé « Tête-de-Fion » à cause de l’aspect de son visage mutilé par un coup de feu, le shérif Root incarne la violence et le racisme qui couvent au Texas, l’état-bastion de l’ultra-puritanisme américain. Découvrant les corps carbonisés des 200 habitants d’Annville à l’intérieur de l’église incendiée, il songe forcément à l’évidence ; c’est encore un complot du FBI. Il n’en est rien. La paroisse a été la victime collatérale de la possession soudaine du révérend local par une puissante entité céleste. Personnage central de la série Preacher et réceptacle d’un esprit qui lui confère un pouvoir redoutable, le révérend démissionnaire Jesse Custer partira sans attendre à la recherche du Grand Architecte pour lui demander des comptes sur l’état de sa Création. Accompagné de son ex-petite amie et d’un Irlandais qui boit pour oublier le goût du sang, le « prêcheur » drainera dans son sillage tout ce que le Ciel et le Nouveau Monde peuvent contenir de personnages pathétiques, névrosés ou sadiques, du shérif Root au « Saint des Tueurs ». De 1995 à 2000, au travers des pérégrinations de leur antihéros qui seront compilées en 6 volumes, le scénariste irlandais Garth Ennis (The Boys) et le dessinateur anglais Steve Dillon proposèrent l’un des pamphlets les plus virulents sur les dérives de la société américaine. Blasphèmes, répliques cultes, humour noir et violence sont au menu de ce classique du label Vertigo qui passe au vitriol une Amérique profonde comme le renfoncement du visage de « Tête-de-Fion ».

Fondu au noir d’ Ed Brubaker, Sean Phillips et Elizabeth Breitweiser, Delcourt

Los Angeles, 1948. La chasse aux sorcières de McCarthy bat son plein dans les milieux du cinéma et le feu des projecteurs attire les papillons comme une flamme. Charlie Parrish, scénariste estimé, joue depuis trop longtemps un double jeu, avec lui-même comme avec les autres. Le meurtre de son actrice fétiche, maquillé en suicide par le studio qui l’emploie, va l’amener à enquêter en terrain miné. Sexe, alcool et pouvoir, « Fondu au noir » convoque tous les ingrédients du roman noir californien à la Ellroy, avec comme toile de fond, l’industrie toute puissante d’Hollywood, passée maître dans l’art de la mise en scène. A l’écran comme à la ville, tous les moyens sont bons pour sauver les apparences. A la magie du cinéma succède le cauchemar des coulisses. «Dans cette ville, on n’est pas là pour rêver, mais pour se faire du fric!» rappelle Brodsky, le chef de la sécurité des studios Victory Street. Un constat cynique et cinglant d’actualité pour un récit qui colle à son sujet avec une épatante maîtrise graphique et narrative. A ingurgiter d’un trait, c’est fort et ça brûle!

Kent State de Derf Backderf, Çà et Là

Le 4 mai 1970 sur le campus universitaire de Kent State dans l’Ohio, la Garde nationale tire à balles réelles en direction de manifestants contre la guerre du Vietnam. Derf Backderf a alors 10 ans et habite à quelques kilomètres de là. Il a vu les mêmes soldats, 4 jours plus tôt, dans les rues de sa petite ville, venus contenir une grève de routiers. De la colère estudiantine à la paranoïa gouvernementale en passant par l’épuisement nerveux des forces de l’ordre, Backderf raconte en détail la chronologie des faits qui relient les deux événements, pour tenter de comprendre comment a pu se dérouler un tel drame. Un récit glaçant qui dénonce la fatalité de la tragédie et accable le climat volontairement clivant entretenu par l’administration Nixon au sein de la société américaine de l’époque. Un contexte qui résonne par ailleurs singulièrement avec l’actualité récente. Fruit de plus de 20 ans d’interviews et de recherches documentaires, « Kent State » est, selon les propres dires de l’auteur lors de son dernier passage chez nous, son œuvre la plus ambitieuse et aboutie à ce jour. Au vu de sa bibliographie, cela donne une idée de l’intérêt de l’ouvrage : un livre indispensable !


Nouveautés (juillet 2025)

 

Hunter X Hunter # 38 par Yoshihiro Togashi, Kana, 7,00€ (7,30€) – Coffret collector, 14,95€

Ruridragon # 1 par Masaoki Shindo, Glénat, 6,90€ (7,25€) - Édition collector, 7,25€

Slam Dunk - deluxe # 10 par Inoue Takehiko, Kana, 13,30€ (13,95€)

Sakamoto Days # 18 par Yuto Suzuki, Glénat, 6,90€ (7,25€) - Édition panier mortel, 25,10€

Kagurabachi # 3 par Takeru Hokazono, Kana, 7,00€ (7,30€) - Édition spéciale, 7,30€

Tentation par Junji Ito, Mangetsu, 30,10€

Yojimbot #4 par Sylvain Repos, Dargaud, 17,60€ (18,50€)

Batman Silence par Jeph Loeb et Jim Lee, Urban Comics, 34,20€ (36,00€)

Transformers #3 par Johnson, Corona et Howard, Urban Comics, 17,60€ (18,50€) - Couverture variante, 20,50€

G.I. Joe #1 par Joshua Williamson et Tom Reilly, Urban Comics, 17,60€ (18,50€) - Couverture variante, 20,50€


samedi 28 juin 2025

Chroniques: Trois BD, trois héroïnes, trois mondes qui partent un peu de travers…

Avec AlyteBergères guerrières et L’Homme gribouillé, on plonge dans des récits où la réalité se fissure, où les secrets de famille pèsent lourd, et où les filles prennent les choses en main.

Pas le même âge, pas le même style mais toutes trois nous attrapent par l’émotion, le mystère et cette petite touche de fantastique qui change tout.

À lire les yeux (et le cœur) grands ouverts


Alyte (notre BD alternative 2024)

par Jérémie Moreau chez Éditions 2024

Unique rescapé de sa portée, Alyte le têtard remonte le cours de la rivière et suit celui de son destin. Il découvre un univers au premier abord hostile et exigeant où la mort frappe irrémédiablement autour de lui. Chaque rencontre lui fait néanmoins découvrir une nouvelle conception du monde et l'amène petit à petit à entrevoir l'équilibre qui régit l'ensemble de la nature. Il n'y a que la "lethalyte" qui semble se soustraire à ses lois, cette grande balafre de béton au milieu de la forêt qui a emporté son père, ses frères et ses sœurs. Il lui faudra pourtant, un jour, la retraverser pour accomplir, à son tour, son destin de crapaud accoucheur. Après "Le discours de la panthère", Jérémie Moreau subjective cette fois-ci non seulement les animaux mais également les arbres, la forêt ou les montagnes, et parvient à insuffler une empathie et un émerveillement irrésistible pour ce beau monde trop souvent ignoré qui nous entoure. Une fable colorée, cruelle et pleine d'humour où le déterminisme cède à la détermination comme pour rappeler que la survie d’une espèce passe aussi par celle des autres, et qu'à défaut d'être innée pour l'une d'entre elle, elle est encore loin d'être acquise. Un petit bijou.


Bergères guerrières (notre BD tous publics 2021)

par Jonathan Garnier et Amélie Fléchais chez Glénat.

Il y a dix ans, lorsque la Grande Guerre a éclaté, les hommes du village ont été réquisitionnés pour se battre au front, laissant derrière eux femmes et enfants sans défense. Il a alors fallu trouver une solution pour protéger les habitants. C’est ainsi que sont nées les bergères guerrières, un ordre qui rassemble les combattantes les plus braves. Reconnaissables grâce à leur bouc de combat et leur longue cape, elles font désormais la fierté du village. Du haut de ses dix ans, Molly a enfin l’âge d’être une bergère guerrière apprentie et elle ne pourrait pas être plus heureuse. Accompagnée de Barbe Noir, son bouc au caractère bien trempé, et Liam, son ami d’enfance prêt à se déguiser en fille pour essayer d’intégrer l’ordre ni vu connu, elle s’apprête à commencer son entraînement. Mais le danger rôde plus que d’habitude autour du village et l’aventure pourrait commencer bien plus tôt que prévu pour Molly et les autres apprenties. Jonathan Garnier et Amélie Fléchais signent une saga jeunesse épique et originale qui bouscule les codes du récit d’aventure et mêle avec brio action, humour et émotion. Servie par des personnages attachants et hauts en couleurs, cette série de quatre tomes saura conquérir petits et grands. Alors, prêt à partir à l’aventure ?  


L'homme gribouillé 

par Serge Lehman et Frederik Peeters chez Delcourt

Paris, 2015. Betty Couvreur travaille pour les éditions du Saule dont l’auteure phare n’est autre que sa propre mère, Maud. Séparée de son mari, Betty vit désormais avec sa fille Clara un tantinet sarcastique.  Comme sa grand-mère, l’adolescente est aussi très douée pour raconter les histoires. Sauf quand la réalité dépasse la fiction. Alors qu’elle dort chez son aïeule, Clara est tirée du lit par un énergumène tout droit sorti d’un film de série B. Répondant au nom de Max, ce grand échalas est à la recherche d’un paquet que devait lui remettre Maud. S’éclipsant pour tirer cela au clair, Clara constate que cette dernière ne se réveille pas et pour cause : elle a perdu connaissance.  Prise de panique, la jeune fille doit également faire face à l’insistance démesurée de Max, fouillant tiroirs et armoires à la recherche de son bien avant de disparaitre comme il était venu, ne laissant comme trace de son passage qu’un bout de papier griffonné à la hâte et deux plumes de corbeau noir… Pour leur première collaboration, le duo Frederik Peeters / Serge Lehman fait preuve d’une belle complicité et nous livre un récit haletant, fantastique et onirique.