© Kang Full - Casterman
Avec des joyaux comme Histoire Couleur Terre (de Kim Dong-Hwa chez Casterman) ou Massacre au Pont de No Gun Ri (de Park Kun-woong chez Vertige Graphic), la Bande Dessinée coréenne s’impose à mes yeux comme l’une des meilleures surprises de ces dernières années. Une véritable culture du Neuvième Art s’était en effet établie au Pays du Matin Calme depuis plusieurs décennies déjà mais de manière plus discrète que chez son voisin nippon. Ses artistes ont ainsi pu développer une sensibilité qui leur était propre et un catalogue d’œuvres fortes qui ne demandaient qu’à être découvertes. Les « manhwa » de Kang Full font partie de ces lectures indispensables qui feront entrer le lecteur dans un univers entièrement neuf. L’art de Kang Full se caractérise par un style graphique naïf qui ne laisse en rien présager la profondeur et la complexité des sentiments qu’il désire partager. L’auteur parvient en effet à décrire avec une grande justesse chacune des couleurs qui forment la palette des émotions, qu’il s’agisse de l’angoisse et de l’horreur dans L’Appartement ou de la nostalgie et de la tendresse dans L’Idiot. Ce dernier album nous invite à suivre le parcours de Ji-rho, une pianiste virtuose qui revient dans son quartier natal de Séoul après dix années passées aux Etats-Unis. Elle retrouvera ses amis d’enfance et surtout Seung-lyong, un jeune homme attardé à qui personne n’a jamais porté la moindre attention. Au travers de ce récit « chorale » dont la construction narrative tient du travail d’orfèvre, Kang Full nous dévoilera par touches successives comment cet enfant jadis méprisé a bouleversé la vie de chacun des habitants de ce quartier populaire sans qu’aucun d’eux ne s’en soit jamais aperçu. L’auteur signe là l’un des plus beaux albums de l’année dont le second (et dernier tome) devrait paraître sous peu (chez Casterman dans la collection Hanguk). Chronique de Nicolas.