L’auteur de « Peep Show » est considéré comme un des pionniers du récit autobiographique en BD. Avec la caractéristique qu’il était aussi parmi les plus cynique, tant envers la société qu’envers lui-même. Joe Matt semblait n’avoir aucun tabou ni aucune gêne à exprimer ces tabous crûment, sans retenue . Quand on lit du Joe Matt, même seul dans une pièce fermée, on se surprend à regarder autour de soi, avec un rire gêné, que personne ne peut voir ce qu’on est en train de lire (et qui nous fais rire). Comme du porno, quoi…
Mais pour notre librairie, Joe Matt était aussi le tout premier dessinateur à avoir répondu (par une lettre manuscrite !) positivement à une demande d’interview pour une série de zines qui étaient offerts à l’achat d’un album des auteurs interviewés. (On vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Toutes fois, les interviews sont toujours consultables ici)
En hommage à l’auteur et à son travail, voici quelques extraits de cette interview :
Dans vos albums, vous mettez en scène différentes périodes de votre vie. Qu’est-ce qui vous a poussé à aborder l’autobiographie en bande dessinée ?
Joe Matt – C’est à Robert Crumb, et surtout à ses carnets de croquis, que je dois l’inspiration et la motivation qui m’ont mis sur cette voie. Deux ans après l’université et alors que j’étais un illustrateur raté, j’ai commencé à dessiner de courtes séries d’esquisses autobiographiques sous la forme de strips en me basant sur ses carnets. Celles-ci évoluèrent peu à peu vers un style qui sera celui de mes premières planches. Harvey Pekar (1) et Art Spiegelman furent aussi de grandes inspirations. Le Maus (2) de Spiegelman reste en fait le sommet auquel j’aspire sans cesse.
Pensez-vous aux réactions de vos lecteurs lorsque vous écrivez vos albums ? Vous dites-vous parfois : « cette histoire ne les intéresse peut-être pas » ?
Joe Matt – J’essaie de ne pas penser aux lecteurs ni à leurs réactions lorsque j’écris. Je ne les oublie jamais non plus. Je tente simplement de me concentrer sur l’expression de la Bande Dessinée, sur ce que le lecteur en perçoit et non pas sur ce qui est dit dans les faits.
Votre travail d’écriture est-il un exutoire à vos angoisses ou à vos frustrations ?
Joe Matt – Mon écriture est un exutoire à mes frustrations et à mes agonies… ou plutôt ces dernières nourrissent mon écriture mais elles ne résolvent rien entièrement. Je me sens momentanément mieux de les avoir exprimées mais les problèmes semblent toujours rester.
A-t-il été difficile de trouver votre place dans les rayons au milieu de toute cette production d’albums de super-héros ?
Joe Matt – Lorsque je réalise mes bandes dessinées, je ne pense pas aux libraires spécialisées en bandes dessinées ni aux chiffres du marché des super-héros. Je tente simplement de créer des albums en espérant qu’ils seront assez bons au final pour leur assurer une place dans les librairies qu’elles soient générales ou spécialisées.
Vous n’êtes pas ce qu’on pourrait appeler un auteur prolifique. C’est dû à la paresse ? Au perfectionnisme ? Aux deux ?
Joe Matt – Je suis le bâtard le plus paresseux de cette planète ! C’est un fait ! De plus, je suis un perfectionniste absolu… il y a plus de typex que d’encre sur mes planches (9). C’est un véritable cauchemar d’être moi et d’abattre ne fusse qu’un peu de travail. Je préfère lire, rouler à vélo, dormir, manger, me masturber ou rendre visite à des amis que de dessiner. Ce n’est pas seulement que je travaille lentement… je fais tout lentement ! C’est tout simplement horrible comme le temps passe vite à mes yeux. Rajoutez à ça que je suis toujours seul et misérable ! Comment des mecs s’arrangent pour garder leurs copines est une énigme pour moi. Quoi qu’il en soit, beaucoup trop de mon énergie est gaspillée à essayer d’avoir une copine ou à me transir dans la douleur de ne pas en avoir une (en d’autres termes : dans la masturbation compulsive). Telle est ma malédiction.
(Lire l’interview complète)
L'année passée, les éditions Revival ont eu la bonne idée de rassembler pour la première fois l’ensemble des quatorze numéros du comics de Joe Matt, Peepshow, parus de 1992 à 2006. Et cerise sur le gâteau, cette intégrale est agrémentée de trois histoires inédites en français.
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Peter Bagge (Hate , Doubles vies), Julie Doucet (Suicide Total, Maxiplotte), Alison Bechdel (Fun Home, Le secret de la force surhumaine), Derf Backderf (Trashed, True stories) et bien d’autres que nous serons heureux de vous conseiller à la librairie. (Pour lire les chroniques, cliquez sur les liens)