mercredi 2 décembre 2009

Trois "coups de coeur"

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Irène et les clochards ou l'autre visage de Ruppert & Mulot
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En quatre ans et sept ouvrages, Florent Ruppert & Jérôme Mulot ont bien vite quitté leur statut de jeunes auteurs "révélation" pour celui d'auteurs incontournables. Leur oeuvre, puisque l'on peut déjà parler d'oeuvre, s'est construite autour d'une volonté de renouvellement constant et de recherches graphiques et narratives aussi ludiques que pertinentes. Débordant du cadre strict du livre et de la Bande Dessinée, ils utilisent internet comme espace de rencontre et de duels entre dessinateurs, les séances de dédicaces comme des occasions de "happenings" et vont jusqu'à monter de véritables performances où la participation du public servira de terreau à leurs projets en cours. Avec Irène et les clochards, Ruppert & Mulot marquent une nouvelle étape dans leur parcours créatif puisqu'ils nous proposent de découvrir un drame où leur légendaire humour caustique sera mis entre parenthèse. Les deux auteurs n'en délaissent pas moins tous les thèmes qui leur sont chers. Au contraire. Avec le personnage d'Irène, jeune femme perdue dans notre société et dans son propre corps rongé par la maladie, ils s'offrent la possibilité d'exprimer sans retenue cette violence crue qu'ils représentent depuis leur début mais dans un cadre qui est ici profondément intime (pour ne pas dire viscéral). Irène, au travers de "rêves" éveillés, laissera son imagination prendre le pas sur la réalité pour mieux vaincre toutes les frustrations, les peines et les désillusions de son quotidien. Véritable "coup de poing" comme les albums Jolies Ténèbres de Vehlmann & Kerascoët et Blast de Manu Larcenet parus cette année, Irène et les clochards est le premier volet d'un cycle qui ne laissera pas nos esprits sans ecchymoses.
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Irène et les Clochards de Ruppert & Mulot, L'Association, 13.50€ (au lieu de 15.00€)
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Historique : le premier ouvrage d'heroic fantasy à L'Association…
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L'Association clôt l'année 2009 comme elle l'a débuté; elle nous offre un nouvel album du génial auteur sud-africain Joe Daly. Après la traduction de l'halluciné Scrublands en 2007 et de l'hallucinant Red Monkey dans John Wesley Harding en janvier, voici qu'arrive déjà le premier tome de Dungeon Quest où le lecteur se plongera dans une aventure dont Lanfeust ou Thorgal ne pourraient sortir très valeureux. Ici, ca "marave" comme diraient Trondheim & Sfar dans leurs Donjon. Ici, on se latte à coups de pied de biche et de chaînes en attendant de trouver un "shillelag en galet" ou un "arc léger du pic barbu" pour augmenter ses "stats" de combat et infliger des dégâts plus importants. Car Dungeon Quest est une aventure de jeu de rôle qui démarre dans la petite ville résidentielle de Glendale où quatre jeunes déoeuvrés vont prendre leur destin en main pour partir dans une quête aussi extraordinaire qu'improbable. Après s'être faits la main sur quelques délinquants, Millenium Boy (le maître du jeu et "grand poète"), Steve (le maître voleur pas très "vif" pour un maître voleur), Lash Pénis (l'athlète herculéen et artiste torturé à ses heures) et la silencieuse archère Nedgirl affronteront taupards, squelettes pirates et autres créatures fantastiques dans des combats qui ne laissent place à aucune pitié. Ici, c'est la loi du plus fort et c'est bien dans les dialogues que Joe Daly impose la sienne. Chaque planche comporte en effet sa réplique culte, son moment fulgurant et jouissif de grand n'importe quoi, un peu comme si le Pascal Brutal de Riad Sattouf remplaçait Gandalf à la tête de la Communauté de l'Anneau... ou si Jean-Claude Van Damme était choisi pour incarner ce rôle à l'écran…
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Dungeon Quest tome 1 de Joe Daly, L'Association, 13.50€ (au lieu de 15.00€)
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The Moo Factory : dix planches par jour, un mois durant…
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On se chagrine souvent que les auteurs franco-belges prennent plus d'un an pour peaufiner de beaux ouvrages… et puis soudain l'on découvre l'anomalie qui vient gripper les rouages de notre patience résignée. La Grenouille Noire (a.k.a. The Black Frog) bouscule nos vieilles habitudes en se posant comme défi de réaliser une série d'albums de trois cents pages dont chaque volume fut conçu en près de 30 jours. On me dira que le niveau des ouvrages doit en pâtir et je répondrai qu'il n'en est rien. Son dessin n'est pas bâclé, il est vif, aussi vif que ses noirs sont profonds. Car La Grenouille Noire est, pour paraphraser le titre du deuxième tome de Broussaille, ce que l'on peut appeler un "sculpteur de lumière". Comme Mike Mignola, Alex Toth, Hugo Pratt et de nombreux auteurs sud-américains tels Breccia, Trillo, Risso ou Munoz, il utilise l'obscurité comme une masse compacte pour modeler ses personnages et ses décors. Ses récits, ses fables, deviennent ainsi de véritables fresques qui nous plongent, comme les frontons du Parthénon, dans des épopées où se mêlent les simples mortels, les êtres fantastiques et toute notre humanité dans ce qu'elle a de plus vile et de plus sublime. Les carnets de la Grenouille Noire sont une Odyssée où l'auteur tient simultanément les rôles d'Homère et d'Ulysse. Il est à la fois le narrateur et le héros d'une quête aussi ancestrale que passionnante, celle d'exceller dans l'art de conter des histoires.
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Moo Factory (Les Carnets de la Grenouille Noire #1) de La Grenouille Noire, Ankama CFSL Ink, 9.90€ (au lieu de 10.90€)
Conscient de Vacuité (Les Carnets de la Grenouille Noire #0) de La Grenouille Noire, CFSL Ink, 13.50€ (au lieu de 15.00€)

 
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