Cet été, on vous emmène faire un tour du côté de l’Amérique (celle qu’on aime ^^): des ruelles sombres de Gotham aux routes poussiéreuses du Midwest, les auteurs US nous embarquent pour un road trip graphique entre super-héros en short, anti-héros fatigués et ados paumés sous un ciel trop grand… Il y en a pour tous les goûts et tous les maillots moulants (de bain ou autres).
samedi 19 juillet 2025
The summer of comics: Super-héros en déroute
Quand le masque glisse, que les icônes doutent ou s’effondrent, la BD de super-héros devient autre chose… Des comics puissants, loin des clichés capés.
Harleen de Sejic Stjepan,
Urban
Harleen Quinzel vient
de décrocher un poste de psychologue au sein de l’Asile d’Arkham afin de
soigner et soutenir les plus grands criminels de la ville. Solitaire et peu
sûre d’elle, elle est la proie idéale pour le Joker, véritable manipulateur et
pervers narcissique. Au gré des séances, le criminel s’insinue délicatement
dans l’esprit de la jeune femme qui perd peu à peu tous ses repères jusqu’à ne
plus voir que lui. Dans cette réécriture moderne et plus mature de la naissance
d’Harley Quinn, déjà évoquée dans le comics « Mad Love » en 1994, Stjepan Sejic
décortique la relation malsaine entre ces deux méchants mythiques. Mieux
encore, il cherche à comprendre comment une femme si intelligente a pu
succomber aussi facilement aux belles paroles du Joker quitte à s’oublier
complètement. Sombre, parfois sensuelle, mais surtout délicieusement tordue,
cette nouvelle interprétation de leur rencontre terrifie et fascine par son
réalisme. Un must-read !
Batman White Knight de Sean Murphy, Urban
Dans son éternel duel
avec Batman, le Joker vient d’abattre une carte inédite: celle de la
rédemption. Guéri de sa psychose grâce à un obscur médicament, il redevient
Jack Napier, parvient à retourner l’opinion publique contre Batman et se
présente même aux élections à la mairie! Enième plan machiavélique ou réelle
prise de conscience du criminel repenti? Le message de Napier trouve en tout
cas écho auprès des plus défavorisés de Gotham City, lassés de la connivence
non avouée de Batman avec la police et de leurs bavures à répétition.
Dernièrement, le Chevalier Noir ne semble en effet plus incarner qu’une idée
très étriquée de la Justice, au point de semer le doute auprès de ses plus
fidèles compagnons. Avec comme arrière-plan un contexte socio-politique agité,
Sean Murphy explore l’éternel combat du Bien et du Mal et démontre avec brio
que, dans la relation d’interdépendance complexe entre le justicier et l’ennemi
public n°1, l’un n’existe pas sans l’autre. Un thriller psychologique noir et
acéré!
Marvels de Kurt Busiek et Alex
Ross, Panini
New-York 1939, Phil Seldon s’apprête à embarquer pour l’Europe et donner un nouvel élan à sa carrière de photographe reporter quand de mystérieux personnages aux pouvoirs extraordinaires font leur apparition dans les rues et sur les gratte-ciel de la ville. Torche humaine, homme amphibie, femme invisible, extraterrestres, mutants, l’opinion publique, peu aidée par la presse à sensation, ne sait que penser de ces créatures fantastiques qui semblent vouloir autant semer le chaos que sauver la planète. Aux premières loges des événements et fasciné par le phénomène, Seldon, dont les traits rappellent un certain Stan Lee, se met en tête d’écrire un livre sur ces nouveaux humains qu’il surnomme les ‘Marvels’. Avec ce titre, Kurt Busiek et Alex Ross revisitent tout un pan de l’histoire de l’univers Marvel en embrassant le point de vue des habitants de New-York, spectateurs passifs aussi impuissants qu’ignorants de ce qu’il leur arrive. Une approche narrative audacieuse et innovante qui s’adresse autant aux connoisseurs qu’aux novices du genre. A découvrir!
The summer of comics: Grands formats, grands récits
Pour les lecteurs qui aiment les lectures denses, marquantes, et qui ont le temps de s’immerger pendant l’été.
Le Dernier Festin de
Rubin
de Ram V et Filipe Andrade, Urban
Malgré son imposante
stature, Rubin a totalement l'air d'un être humain comme les autres. Pourtant,
ce propriétaire d'un café touristique de la ville de Somarah dissimule un bien
étrange secret : il répond, en réalité, au nom de Bakasura, un démon mangeur de
chair humaine qui se terre depuis des siècles parmi les hommes. Désormais las
de cette existence, Rubin décide de partir pour un dernier voyage à la
découverte des saveurs de l'Inde avant d'en finir. Il charge alors Mo, un jeune
réalisateur, de le suivre pendant ce périple afin de consigner ses derniers
instants avec sa caméra... Après le très acclamé « Toutes les morts de Laila
Starr », le duo Ram V et Filipe Andrade
nous plongent une nouvelle fois dans la mythologie hindoue grâce à ce
magnifique conte moderne et haut-en-couleurs qui a tout pour séduire. Alors, à
votre tour, dégustez « Le dernier Festin de Rubin », véritable ode au folklore
et à la cuisine indienne : c'est tout bonnement succulent !
Monstres
de Barry Windsor-Smith, Delcourt
Lorsqu’il se présente
au centre de recrutement de l’armée américaine, Bobby Bailey, simple d’esprit,
est sans domicile fixe, n’a plus de famille et n’existe même pas dans les
registres de l’administration. Il n’en faut pas plus au sergent McFarland pour l’affecter
à Prométhée, un programme secret d’expérimentations génétiques hérité du 3ème
Reich. Bientôt rongé de remords, McFarland va tenter, au péril de sa santé
mentale et de sa propre famille, d’extirper le jeune Bobby de ce cauchemar. Le
récit d’action classique bascule ensuite dans une dimension psychologique
intense -et par moment insoutenable- avec le retour en arrière dans la jeunesse
de Bobby et le passé militaire de son père durant la 2ème Guerre Mondiale.
Initialement envisagé il y a 40 ans par Barry Windsor-Smith pour étoffer la
psychologie du personnage de Hulk mais refusé par Marvel, « Monstres » explore
en cascades la monstruosité humaine sous toutes ses formes. Un récit monumental
et bouleversant.
Descender de Jeff Lemire et
Dustin Nguyen, Urban
Le chaos règne au sein du Conglomérat Galactique Unifié depuis la guerre avec les Moissonneurs - ces robots géants de la taille d’une planète apparus sans explication dix ans plus tôt puis disparus aussi soudainement. Entretemps, en représailles et par « sécurité », les humains ont procédé à des « botgroms », des exterminations en masse du genre robot. C’est dans ce contexte que se réveille d’un sommeil de 10 ans Tim-21, un petit androïde de compagnie doté d’empathie, dont le codex présenterait des correspondances avec celui des Moissonneurs. Bientôt, c’est toute la galaxie qui se met aux trousses du petit robot… « Descender », dont certains aspects rappellent autant « Star Wars » que « Pluto » d’Urasawa, est un récit de science-fiction accrocheur qui mêle tradition classique et originalité !
The summer of comics: Fables sauvages et grands espaces
Quand les récits
quittent les villes pour suivre le rythme de la nature, on respire autrement. À
lire en voyage ou pour mieux partir sans bouger.
Friday
d’ Ed Brubaker et Marcos Martin, Glénat
Lorsque Friday
Fitzhugh revient à Kings Hill pour les vacances de Noël, elle n'a qu'une idée
en tête : discuter sérieusement avec « Lance » Jones, son meilleur ami, de ce
qui s'est passé entre eux cette fameuse nuit avant son départ pour la fac.
Pourtant, à peine arrivée, la voilà déjà embarquée à ses côtés dans une
nouvelle enquête aux frontières du réel... Car Kings Hill est bien loin d'être
une ville comme les autres et les phénomènes surnaturels y sont légion !
Véritables « détectives de l'étrange » depuis l'adolescence, les deux comparses
sont bien décidés à faire la lumière sur cette nouvelle affaire qui pourrait
pourtant se révéler bien plus dangereuse que les précédentes... Scénariste
prolifique de polars noirs, Ed Brubaker nous plonge cette fois-ci dans un
thriller surnaturel dont l'ambiance ne sera pas sans rappeler celle de la série
à succès « Stranger Things ». Entre légendes urbaines, mystères, enquêtes et
romance de jeunesse, ce premier tome possède décidément tous les ingrédients
nécessaires pour rendre accros, et les adultes et les ados.
Bone de Jeff Smith,
Delcourt
Chassés de leur
village, les trois cousins Bone
s’enfuient et se perdent dans une forêt n’apparaissant sur aucune carte. Ils se
font rapidement embrigader dans une aventure qui les dépasse et dont l’issue
déterminera l’avenir du monde ! Chemin faisant, ils rencontrent des êtres et
des créatures de toutes sortes, hostiles ou amicales mais souvent très
attachantes. La force de « Bone » réside notamment dans cette galerie
de personnages qui s’étoffe continuellement et dont les face-à-face portent
l’histoire. Jeff Smith nous offre une saga épique, drôle et légère qui bascule
progressivement dans un univers sombre, violent et sans pitié. Œuvre colossale
et incontournable, Bone est un chef d’œuvre des comics américains !
Watership Down de Richard Adams,
James Sturm et Joe Sutphin, Monsieur Toussaint Louverture
Motivés par la vision
d’un bouleversement imminent et par la précarité de leur condition sociale,
quelques lapins se décident à quitter leur communauté pour en créer une
nouvelle ailleurs. Après avoir défié la vigilance des leurs, ils devront
affronter les éléments, déjouer les prédateurs et surtout éviter les autres
clans autoritaires pour espérer peut-être un jour pouvoir s'établir en paix
quelque part. Une épopée pleine de rebondissements où chaque caractère sera
amené au dépassement de soi dans sa contribution à l’élan collectif. Le récit
raconte tant la puissance libératrice que la violence répressive de toute
organisation sociale selon qu’elle se met au service de tous ou de
quelques-uns. Traversé par un souffle narratif sombre et magique,
« Watership down » ne peut laisser personne indifférent ! (Pascal)
A lire si vous avez
aimé Alyte, Le château des animaux.
The summer of comics: Quand la forme suit l’émotion
Des récits visuellement audacieux qui font vibrer le fond autant que la forme. À lire lentement, dans le calme…
It’s Lonely at the Center of the Earth de Zoë Thorogood, Hi Comics
Prêt.e pour le trip ?
Embarquez, c’est Zoé qui régale !
Parfois il est des
œuvres qui transcendent leur médium pour toucher à l’universel… Cette BD est de
celles-là.
Thorogood déploie des
thèmes aussi intimes que la dépression, la recherche de soi, le tout enrobé
d’un humour salvateur. Visuellement, le livre est un kaléidoscope : chaque page
est une surprise, une nouvelle manière de voir le monde. Les personnages qui
peuplent son livre sont représentés avec des têtes d’animaux ou de façon
minimaliste et sont le miroir de nos propres codes sociaux. L’alternance des
styles, des plus épurés aux plus complexes sert le propos et nous emmène dans
le labyrinthe mental et le récit poignant de cette jeune et talentueuse
autrice.
Qui sait ? Vous
pourriez bien y trouver un petit bout de vous-même.
Stuck Rubber Baby
d’Howard Cruse, Casterman
Malgré l’ébullition
sociale que traversent les Etats-Unis au début des années 60, Toland Polk ne
parvient pas à assumer son homosexualité. Sa rencontre avec Ginger Raines,
jeune chanteuse engagée dans les mouvements pour les droits civiques, va lui
faire prendre conscience d’une réalité sociale autrement plus violente : dans
le sud de l’Amérique, la ségrégation raciale est encore de mise et les noirs
sont loin de faire valoir leurs droits. «Stuck Rubber Baby» raconte le parcours
initiatique du jeune homme dans ce contexte bouillonnant où Ku Klux Klan et
contre-culture ne font pas bon ménage. Oeuvre de fiction mais largement inspiré
de la vie d’Howard Cruse, «Stuck Rubber Baby» est un récit poignant et
nécessaire qui, en évitant les raccourcis et par sa densité, parvient à rendre
compte de la complexité d’une époque. Une œuvre culte à nouveau disponible.
Grafity’s Wall de Ram V et Anand RK
chez Urban
Dans les rues de Mumbai, ils sont quatre amis avec des rêves plein la tête: Chasma aspire à devenir écrivain, Saira se voit déjà actrice, Jay, lui, vit pour le rap. Quant à Suresh, dit Grafiti, c’est dans la peinture qu’il s’éclate. Armé de ses bombes, il tague, graffe, laisse cours à son art sur les bâtisses de la ville. C’est d’ailleurs au pied d’un de ses murs que les quatre adolescents se retrouvent, imaginant ensemble un avenir plus radieux, loin de la misère de leur quartier. Mais rêver a un prix dans la tumultueuse Mumbai… Bien loin de son fantasmagorique « Toutes les morts de Laila Starr », Ram V livre un coming-of-age puissant et juste, le tout projeté par les dessins vifs et électrisants d’Anand RK. Une véritable ode à la jeunesse, aux rêves et à la liberté qui prend fort aux tripes ! À découvrir absolument !
The summer of comics: Pas de vacances pour les traumatismes
Violence, injustice, fanatisme, solitude… ces comics arrachent le masque de l’Amérique et exposent ses fissures. Entre satire, témoignage et polar social, ils ne prennent pas de gants, mais prennent le lecteur à bras-le-corps.
Preacher de Garth Ennis et
Steve Dillon, Urban
Amer d’avoir un fils
surnommé « Tête-de-Fion » à cause de l’aspect de son visage mutilé par un coup
de feu, le shérif Root incarne la violence et le racisme qui couvent au Texas,
l’état-bastion de l’ultra-puritanisme américain. Découvrant les corps carbonisés
des 200 habitants d’Annville à l’intérieur de l’église incendiée, il songe
forcément à l’évidence ; c’est encore un complot du FBI. Il n’en est rien. La
paroisse a été la victime collatérale de la possession soudaine du révérend
local par une puissante entité céleste. Personnage central de la série Preacher
et réceptacle d’un esprit qui lui confère un pouvoir redoutable, le révérend
démissionnaire Jesse Custer partira sans attendre à la recherche du Grand
Architecte pour lui demander des comptes sur l’état de sa Création. Accompagné
de son ex-petite amie et d’un Irlandais qui boit pour oublier le goût du sang,
le « prêcheur » drainera dans son sillage tout ce que le Ciel et le Nouveau
Monde peuvent contenir de personnages pathétiques, névrosés ou sadiques, du
shérif Root au « Saint des Tueurs ». De 1995 à 2000, au travers des
pérégrinations de leur antihéros qui seront compilées en 6 volumes, le
scénariste irlandais Garth Ennis (The Boys) et le dessinateur anglais Steve
Dillon proposèrent l’un des pamphlets les plus virulents sur les dérives de la
société américaine. Blasphèmes, répliques cultes, humour noir et violence sont
au menu de ce classique du label Vertigo qui passe au vitriol une Amérique
profonde comme le renfoncement du visage de « Tête-de-Fion ».
Fondu au noir d’ Ed Brubaker, Sean
Phillips et Elizabeth Breitweiser, Delcourt
Los Angeles, 1948. La
chasse aux sorcières de McCarthy bat son plein dans les milieux du cinéma et le
feu des projecteurs attire les papillons comme une flamme. Charlie Parrish,
scénariste estimé, joue depuis trop longtemps un double jeu, avec lui-même comme
avec les autres. Le meurtre de son actrice fétiche, maquillé en suicide par le
studio qui l’emploie, va l’amener à enquêter en terrain miné. Sexe, alcool et
pouvoir, « Fondu au noir » convoque tous les ingrédients du roman
noir californien à la Ellroy, avec comme toile de fond, l’industrie toute
puissante d’Hollywood, passée maître dans l’art de la mise en scène. A l’écran
comme à la ville, tous les moyens sont bons pour sauver les apparences. A la
magie du cinéma succède le cauchemar des coulisses. «Dans cette ville, on n’est
pas là pour rêver, mais pour se faire du fric!» rappelle Brodsky, le chef de la
sécurité des studios Victory Street. Un constat cynique et cinglant d’actualité
pour un récit qui colle à son sujet avec une épatante maîtrise graphique et
narrative. A ingurgiter d’un trait, c’est fort et ça brûle!
Kent State de Derf Backderf, Çà
et Là
Le 4 mai 1970 sur le campus universitaire de Kent State dans l’Ohio, la Garde nationale tire à balles réelles en direction de manifestants contre la guerre du Vietnam. Derf Backderf a alors 10 ans et habite à quelques kilomètres de là. Il a vu les mêmes soldats, 4 jours plus tôt, dans les rues de sa petite ville, venus contenir une grève de routiers. De la colère estudiantine à la paranoïa gouvernementale en passant par l’épuisement nerveux des forces de l’ordre, Backderf raconte en détail la chronologie des faits qui relient les deux événements, pour tenter de comprendre comment a pu se dérouler un tel drame. Un récit glaçant qui dénonce la fatalité de la tragédie et accable le climat volontairement clivant entretenu par l’administration Nixon au sein de la société américaine de l’époque. Un contexte qui résonne par ailleurs singulièrement avec l’actualité récente. Fruit de plus de 20 ans d’interviews et de recherches documentaires, « Kent State » est, selon les propres dires de l’auteur lors de son dernier passage chez nous, son œuvre la plus ambitieuse et aboutie à ce jour. Au vu de sa bibliographie, cela donne une idée de l’intérêt de l’ouvrage : un livre indispensable !
Nouveautés (juillet 2025)
Hunter X Hunter #
38 par Yoshihiro Togashi, Kana, 7,00€
(7,30€) – Coffret collector, 14,95€
Ruridragon # 1 par Masaoki Shindo, Glénat, 6,90€ (7,25€) - Édition collector, 7,25€
Slam Dunk - deluxe
# 10 par
Inoue Takehiko, Kana, 13,30€ (13,95€)
Sakamoto Days # 18 par Yuto Suzuki, Glénat, 6,90€ (7,25€) - Édition panier mortel, 25,10€
Kagurabachi #
3 par Takeru Hokazono, Kana, 7,00€
(7,30€) - Édition spéciale, 7,30€
Tentation par Junji Ito, Mangetsu, 30,10€
Yojimbot #4 par Sylvain Repos, Dargaud, 17,60€
(18,50€)
Batman Silence
par Jeph Loeb et Jim Lee, Urban Comics, 34,20€ (36,00€)
Transformers #3 par Johnson, Corona et Howard, Urban Comics, 17,60€
(18,50€) - Couverture variante, 20,50€
18,50€) -
Couverture variante, 20,50€