Le premier semestre de cette année fut marqué par la
propagation sur les réseaux sociaux du hashtag « #MeToo » dont le
mouvement débuté fin 2017 a révélé l’existence d’abus et de discriminations à
l’encontre des femmes dans tous les milieux et à tous les niveaux. Et dans le
« petit monde de la BD » ? Qu’en est-il ?
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« Oh
pardon, je vous avais prise pour une stagiaire »
Selon les chiffres officiels, les femmes représenteraient
12,4% des auteurs de BD francophone. A l’image de notre société en général,
les autrices seraient (encore) moins bien rémunérées que leurs collègues
masculins comme le relève une enquête réalisée en 2016 par les Etats généraux
de la BD (EGBD). Une sur deux vivrait en dessous du seuil de pauvreté contre
un homme sur trois.
Et le sexisme n’y est pas pour rien… Entre celles
qui se sont entendu dire « tu ferais mieux de faire des gosses » et
celles qui ont perdu leur contrat au moment de leur grossesse, il semblerait
qu’il leur soit plus difficile dès le départ de se faire publier. Par
ailleurs, être publiée, n’est pas pour autant un gage de reconnaissance
professionnelle, en témoigne l’absence de femmes dans la première sélection
des auteurs nommés au Grand Prix du FIBD d’Angoulême en 2016. Le Collectif des
créatrices de bande dessinée contre le sexisme avait alors appelé au
boycott du festival, mais ce n’est qu’après l’intervention d’auteurs-hommes
que la presse s’intéressera à la polémique, ce qui débouchera sur une
nouvelle méthode de nomination au Grand Prix.
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“Qu'est-ce que ça fait d'être une fille dans la BD
?”
C’est en 1905 que Jacqueline Rivière crée
« Bécassine » afin de combler un trou dans l’hebdo dont elle est
rédactrice en chef, faisant d’elle la première autrice à succès de la BD
française. Mais le chemin à parcourir jusqu’à la parité est encore long.
Dans les années 1970, la bande dessinée s’ouvre à de
nouveaux genres, plus introspectifs et on assiste à l’émergence de femmes
comme Claire Bretécher ou Florence Cestac qui marqueront, à l’instar de leurs
pendants masculins de l’époque, un tournant dans l’histoire de la bande
dessinée.
En 2000, année qui consacre Florence Cestac Grand
Prix d’Angoulême, paraît « Persepolis » de Majane Satrapi (à
L’Association). Quatre ans plus tard, plus de 200 000 exemplaires avaient été
vendus. Ce succès inédit pour un premier album met en avant une nouvelle
évolution de la BD. Dessinée en noir et blanc, au format entre le roman et la
BD traditionnelle et au contenu autobiographique, la série attire l’intérêt d’un nouveau
public pour la bande dessinée. Parmi ce nouveau lectorat, un nombre important
de femmes, ce qui pousse les éditeurs à s’intéresser à cette nouvelle cible
(pour le meilleur et pour le pire). Des collections de et/ou pour femmes
( « Traits féminins », « Fluide Glamour », …) sont
créées et des expositions de femmes sont montées. Mais tout y est mélangé,
peu importe la forme ou le contenu. « Femme » est le seul critère
« définissant ». Ce qui fait s’interroger Pénélope Bagieu :
« Pourquoi pas monter des expos de roux ou de gens qui chaussent du 42 !
»
Ces dernières années, l’explosion d’internet a rendu
visible une série d’autrices (et d’auteurs) qui ont pu se servir du succès de
leurs blogs comme tremplins pour être éditées (Pénélope Bagieu, Margaux
Motin, etc.). D’autres, non-professionnelles, comme Emma (qui a fait le buzz
avec le concept de « charge mentale » et a depuis
quitté son boulot d’ingénieure informaticienne pour se consacrer à la BD)
choisissent la bande dessinée comme forme d’expression de leurs opinions,
revendications ou simplement de leur quotidien (Trame ou le quotidien d’une conductrice de trams à Bruxelles).
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« Pourquoi tu continues pas tes séries de filles, là
? »
Les premières bandes dessinées ont été créées par
des hommes et s’adressaient aux garçons. Longtemps, les personnages féminins
ont été cantonnés à des rôles passifs de femmes au foyer (la mère de Boule)
ou à des rôles de personnages stéréotypés, sources d’ennuis (« La »
Castafiore, les épouses d’Agecanonix et Cetautomatix).
En 1953, Franquin créée Seccotine, journaliste
d’investigation très capable, indépendante et moderne. Dans sa lignée,
suivront Laureline (1967), Yoko Tsuno (1970) ou encore Adèle Blanc-Sec
(1976).
Mais parallèlement apparaît la Schtroumpfette (1966)
qui vient renforcer l’aspect caricatural de la représentation (et de
l’utilisation) du personnage féminin. On parle d’ailleurs du « syndrome
de la Schtroumpfette » pour décrire le concept typique du groupe de
copains (ayant chacun ses propres caractéristiques qui le définissent comme
individu) avec une seule fille qui n’existe que dans sa relation aux garçons
(et dont la caractéristique qui la défini est d’être … une femme). Il y a
donc le costaud, le grognon et la femme.
Toutefois, à partir des années 80, les femmes
commencent à s’imposer en tant qu’héroïnes principales et moteurs de leurs
aventures (Agrippine, Aria, Pélisse, Isa des « Passagers du vent »,
Nävis, etc.). Elles ne sont pas pour autant toujours libérées des clichés
sexistes, parfois véhiculés par des autrices elles-mêmes, tant ils sont
intégrés. Ainsi, après la mère de famille et la femme fatale, voici l’accro
au shopping et avec elle, un nouveau « genre narratif » : la
« BD girly » ou « BD de femmes ». Autrement dit, le
syndrome de la Schtroumpfette étendu à tout le médium : à côté de la
science-fiction, de l’humour et des polars, le rayon « filles ».
(Et on notera au passage, que le shopping, c’est féminin. Les hommes
préfèrent le foot, c’est bien connu).
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« C’est un bien beau métier pour une femme »
« Définir les goûts et aptitudes des gens selon
leur sexe biologique ou leur genre est un préjugé qui ne repose sur aucune
réalité. » (Charte des créatrices de bande
dessinée contre le sexisme)
Nous vous proposons ci-dessous une sélection de BD
que nous défendons à la librairie, non pas parce qu’elles sont créées par des
femmes (elles ne le sont pas toutes, d’ailleurs), mais parce que ce sont des
œuvres qui nous ont semblé sortir du lot parmi les innombrables parutions.
Nous vous invitons à prendre le temps de lire nos chroniques, à venir
feuilleter les albums à la librairie, à vous renseigner auprès de notre
équipe, car tous les sujets ne vous parleront pas, tous les dessins ne vous
plairont pas. Les autrices sont aussi uniques que vous l’êtes. Les héroïnes,
réelles ou fictionnelles, peuvent vivre 1000 vies et autant d’aventures…
Pour aller plus loin, rendez-vous sur le site du Collectif
des créatrices de bande dessinée contre le sexisme. Vous y trouverez la
charte signée par plus de 250 femmes, autrices, auteures, créatrices de BD
ainsi que leurs témoignages
souvent édifiants de comportements et de commentaires sexistes dont le milieu
du 9ème Art n’est malheureusement pas exempt.
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Sélection créatrices
Dans la combi de Thomas Pesquet de Marion Montaigne,
Dargaud
Le 2 juin dernier, le Français Thomas Pesquet, 38 ans,
astronaute, rentrait sur Terre après avoir passé 6 mois dans la Station
spatiale internationale. Dans cette bande dessinée de reportage, Marion
Montaigne raconte avec humour le parcours de ce héros depuis sa sélection, puis sa formation jusqu'à sa mission dans l'ISS et
son retour sur Terre. (La
chronique de Pascal)
L'été fantôme d’Elizabeth Holleville, Glénat
Louison et sa grande sœur viennent passer les vacances
d’été chez leur grand-mère. Mais malgré l’immense jardin de la maison et le
soleil éclatant du sud, la cadette s’ennuie. Jusqu’au jour où elle fait la
rencontre de Lise. Une jeune fille qui n’est autre que le fantôme de sa
grand-tante, morte il y a soixante ans dans des circonstances mystérieuses. (La chronique de Philippe)
Monsieur désire ? de Virginie Augustin et
Hubert, Glénat
Dans l'Angleterre victorienne, Lisbeth, une domestique
plutôt discrète, vient d'entrer au service d'Édouard, un noble irritant de
suffisance, provocateur et blasé. Habitué à choquer son entourage par le récit
de ses frasques, ce jeune dandy découvre en sa nouvelle servante quelqu'un de
moins docile et impressionnable qu'il ne le croyait. (La chronique de Pascal)
I'm every woman de Liv Strömquist, Rackham
C'est d'épouses, fiancées et copines dont il est
question dans ce livre... Madame Elvis Presley, Madame Joseph Staline, Madame
Jackson Pollock et plein d'autres. Réunies par un seul et même destin : être
les victimes d'hommes incapables de se comporter de façon normale et
raisonnable avec leur partenaire. (La chronique de Philippe)
Mauvais Genre de Chloé Cruchaudet, Delcourt
Paul et Louise s'aiment, Paul et Louise se marient,
mais la Première Guerre mondiale éclate et les sépare. Paul, qui veut à tout
prix échapper à l'enfer des tranchées, devient déserteur et retrouve Louise à
Paris. Désormais il se fera appeler Suzanne. (La chronique de Bernard)
Plus ou moins… de Peggy Adam, Atrabile
Marie l’ingénue, Véra l’experte, Joao le tombeur ou
Josie le travesti, autant de figures attachantes dont la vie affective se
croise et se décroise tout au long de cet ouvrage frais, drôle et provocant. (La
chronique de Philippe)
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Sélection héroïnes
Spinning de Tillie Walden, Gallimard Jeunesse
Depuis l'enfance, le patinage artistique rythme la vie
de Tillie Walden. Mais rien ne va plus de soi quand vient l'adolescence... Au
fil des épreuves qu'elle traverse, se dessine le portrait touchant d'une jeune
femme qui affirme son homosexualité et revendique sa liberté. (La chronique de Philippe)
Lulu Femme Nue d’Etienne Davodeau, Futuropolis
Abandonnant mari et enfants, Lulu décide de ne pas
rentrer à la maison. Elle n'a rien prémédité. Ça se passe très simplement.
Grisante, joyeuse, dangereuse et cruelle, l'expérience improvisée de Lulu en
fera une autre femme... (La chronique de Nicolas)
Frances de Joanna Hellgren, Cambourakis
Frances nous plonge dans le quotidien d'une jeune
orpheline recueillie par sa tante. Evoluant dans un monde d'adultes souvent
victimes d'un handicap affectif lié au poids des convenances et de leur passé
familial, la jeune fille tentera de trouver ses marques au fil de rencontres
qui définiront profondément sa personnalité en devenir. (La chronique de Dominique A – oui, oui, lui-même)
Rosalie Blum de Camille Jourdy, Actes Sud
Vincent, 30 ans, célibataire, solitaire mène une vie
ennuyeuse et routinière partagée entre son salon de coiffure et sa mère
possessive et farfelue. Un jour, il croise Rosalie dont le visage lui parait
étrangement familier. Sous prétexte de vouloir l'identifier, il se met à la
suivre… (La chronique de Nicolas)
Femme rebelle de Peter Bagge, Nada
Dans ce roman graphique documenté, drôle et inspiré,
Peter Bagge dresse le portrait de Margaret Sanger. Féministe d'avant-garde,
activiste radicale, provocatrice et controversée, fondatrice du planning
familial, Margaret Sanger a fait de l'accès à la contraception et à l'éducation
sexuelle une arme contre la pauvreté et l'oppression. (La chronique de Pascal)
Alors que j’essayais d’être quelqu’un de bien d’ Ulli Lust, Éditions çà
et là
Autriche, 1989. Ulli Lust a vingt-deux ans et vit à
Vienne où elle tente de faire carrière comme illustratrice tout en alternant
petits boulots et aide sociale. Ulli vit avec Georg. Suite à une rencontre dans
un parc, elle s'engage dans une relation avec Kim, un jeune nigérien. Mais Ulli
tient à continuer sa relation avec Georg, tout en étant avec Kim... (La chronique de Philippe)
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