En bon.ne passionné.e, vous me répondrez que « oui, bien sûr », vous n’êtes pas du genre à évaluer un livre à son intérêt pécuniaire. M’enfin, soyons honnête ! Si on vous dit qu’une BD que vous avez achetée pour une dizaine d’euros en vaut, quelques années plus tard, plusieurs centaines (même une seule d’ailleurs), il est possible que cela provoque chez vous un petit frisson de plaisir… Mais avant que vous ne fassiez enfermer vos bibliothèques dans un caisson à l'abris de la lumière et des bactéries, lisez ceci :
Commençons par la théorie d’abord.
Pour les BD récentes, la base est de déterminer si ce sont des premières éditions. Pour cela, on compare généralement la date du dépôt légal avec la date d’impression. La première étant la date à laquelle « l’éditeur a déposé l’ouvrage à la bibliothèque nationale » (il ne le fait qu’une fois, lors de la 1ère impression). Si la date d’impression est la même, il est plus que probable que vous ayez en mains une première édition. Encore faut-il que celle-ci soit évaluée au-dessus de son prix initial… Ben oui, sans demande, pas de cote : vous voilà en possession d’une belle BD d’occasion si vous voulez la revendre.
Cependant, les gens sont souvent déçus de découvrir que leur collection de « vieilles » BD ne vaut guère plus qu’un ou deux malheureux euro(s). En fait, une BD peut vous paraître vieille mais être en réalité une cinquième réédition en fac-similé avec un tirage très important. Et si vous avez 25 ans aujourd’hui, probablement que pour vous une réédition en 1970 de « Tintin au Congo », c’est vieux (pour nous aussi, même si on a plus « exactement » 25 ans). Mais entre 1931, date de la 1ère édition, et 1970, de multiples rééditions ont vu le jours et les tirages n'ont cessé de grossir. Cette énième réédition ne vaut donc guère plus que 9 ou 10 € à l’état neuf, soit le prix de l’édition actuellement en vente.
Une BD peut aussi être réellement bien cotée mais dans un tel mauvais état que cela la déprécie complètement. On considère généralement que la cote est celle d’un album en bon état général. Si l’album n’a jamais été ouvert et qu’il est resté protégé dans un emballage, bref, qu’il est comme neuf, on rajoute de 20 à 50% à la cote (mais soyons honnête, c’est du rarement vu). Si l’album est légèrement abîmé (couleurs passées, pages cornées, etc.), on enlève 20 à 50% de la cote. Si l’album est délabré, qu’il manque des pages ou qu’elles sont déchirées ou coloriées,… Heu,… Prévoyez un autre plan-pension !
Passons maintenant à l’exercice pratique.
Prenons l’album « L’île noire » estimé entre 3 600 et 4 000 euros par l’expert de la maison Haynault.
La 1ère édition de ce titre date de 1938. L’impression qui nous concerne date de 1944.
Cette année-là quatre versions sont connues :
L’édition dite alternée en noir et blanc. A peine 3 exemplaires actuellement connus. Elle est donc cotée à 45 000€.
Une édition couleur à dos rouge. Très rare, elle est cotée à 3 500€
Et puis, il y a l’édition couleur à dos bleu. Avec un tirage de 17553 exemplaires, elle est cotée à 2 000€. MAIS, il y a une petite astuce qui double la cote pour le livre qui nous concerne. En effet, un défaut d’impression à la page 47 (le bleu est manquant faisant apparaître la mer en rouge, le pull de Tintin en rose et son kilt en vert) crée la rareté d’une partie du tirage et fait donc grimper sa valeur.
Vous l’aurez compris, estimer la valeur d’une BD de collection demande une grande expertise. Si vous pensez avoir des trésors cachés dans votre bibliothèque, nous vous conseillons de vous adresser à un spécialiste.
Mais surtout, à moins de n’être un investisseur, achetez vos BD avec le cœur. Chaque année a son lot d’ovnis, de titres qui décollent, plébiscités par le public, alors même que l’éditeur lui-même n’avait parié que sur un petit succès (et donc un petit tirage). Il n’y a pas d’autre formule pour connaître les BD qui seront cotée demain que celle de faire confiance à votre propre passion.